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  • Article publié le 4 novembre 2020
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Communiqué intersyndical | Amiante/demande de réalisation d’un bilan contradictoire pour protéger les personnels et les usagers

Madame la Ministre,

Le 28 juillet 2015, une circulaire pour la prévention du risque amiante dans la Fonction Publique était publiée.

Elle résultait d’un travail important mené en commun entre représentant.e.s des organisations syndicales et représentant.e.s des employeurs publics pour stopper les contaminations des agents publics, des intervenant.e.s extérieur.e.s et des usager.e.s par l’amiante.

Son introduction était très claire :
"Votre attention est appelée sur la situation des agents de la fonction publique susceptibles d’être exposés aux poussières d’amiante et pour lesquels les dispositifs de prévention collective et individuelle sont encore peu mis en oeuvre, au regard des conséquences collectives et individuelles et de l’enjeu de santé publique qu’elle représente.

Les résultats de la dernière enquête « Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels » (SUMER) montrent, en effet, que seuls 22% des agents exposés à l’amiante bénéficient de mesures de protection collective et qu’en moyenne 40% d’entre eux bénéficient d’équipements de protection individuelle."

Elle précisait ensuite que :
"Interdit d’utilisation depuis 1997, l’amiante reste présent dans de nombreux bâtiments, équipements publics ou dans des matériaux sur lesquels des agents publics interviennent.

La responsabilité de chaque chef de service, employeur public de l’Etat, territorial ou hospitalier, s’exerce, d’une part, à l’égard des agents placés sous son autorité, des usagers du service public pouvant être accueillis dans ses locaux et sur ses sites, et d’autre part, en tant que donneur d’ordres, à l’égard des salariés d’entreprises extérieures intervenant dans ses locaux."

La circulaire édictait ensuite des recommandations précises sur plusieurs points :
 la nécessité d’exhaustivité et d’actualisation permanente des Dossiers Techniques Amiante et de leur fiche récapitulative au fil du temps ;
 une prévention systématique au niveau collectif et individuel, dans l’ensemble des sites où de l’amiante est présent, en particulier des mesurages d’air réguliers permettant de s’assurer de l’absence de fibres d’amiante en situation courante ;
 une signalétique qui évite les interventions accidentelles sur des matériaux amiantés ;
 un mode opératoire concerté permettant d’éviter les expositions en cas de travaux, en particulier un diagnostic amiante avant travaux et un plan de retrait ou de confinement en cas d’intervention sur des matériaux amiantés. Ces directives devaient être mises en œuvre quel que soit l’intervenant, agents publics -dûment habilités et formés- ou intervenant extérieur -entreprise certifiée pour des interventions en sous-section 3 ou 4 du code du travail.
 la nécessité d’une traçabilité dans le temps des expositions des agents publics était clairement réaffirmée et détaillée.
 Enfin le suivi médical des exposé.e.s était rappelé à tous les employeurs publics.

Le 5 août 2015, une circulaire concernant le risque amiante dans les archives était signée à son tour, puis son application généralisée un an plus tard par un courrier interministériel.

En raison de l’apparition de maladies de l’amiante au sein des personnels des archives, qu’ils exercent leur fonction ou leur activité au plan national, départemental ou municipal, un dialogue social constructif avait débouché sur cette circulaire complémentaire concernant une exposition particulière tout juste évoquée dans la circulaire du 28 juillet..

Force est de constater, cinq ans plus tard, que l’application de ces préconisations est très inégale selon les administrations, les secteurs hospitaliers et les collectivités territoriales.

En ce qui concerne en particulier l’existence et la transparence des Dossiers Techniques Amiante et leur fiche récapitulative actualisée, aucune procédure de numérisation centralisée au niveau de la Fonction Publique n’a été mise en place. Il en résulte d’immenses "trous dans la raquette" dans l’identification générale des matériaux amiantés sur de très nombreux sites, conduisant à de nouvelles contaminations d’agents publics, de salarié.e.s d’entreprises extérieure et d’usagers.

On peut citer de nombreux exemples :
 l’Éducation Nationale dont les sites ont des propriétaires différents suivant le niveau, incapable de mettre en place une carte coordonnée et accessible des DTA.
 Des cités inter administratives où chaque employeur public a procédé au fil du temps à des travaux, sans mise à jour centralisée des DTA et encore moins de leur fiche récapitulative.
 Des ensembles hospitaliers où les Chsct constatent de façon régulière l’inaccessibilité et les lacunes de mise à jour de ces DTA, et l’exposition permanente de personnels de nettoyage non habilités ni protégés à intervenir sur des sols amiantés dégradés.
 Des ensembles métropolitains ou de communautés de commune qui n’ont pas de centre de référence commun sur ces questions d’amiante, laissant exposés certaines catégories de personnels comme les services des eaux, les personnels d’archives ou les usagers de bâtiments amiantés dégradés.
 L’exposition à l’amiante présente dans les enrobés bitumineux fait l’objet de conditions de prévention et de suivi très inégales et très insuffisantes concernant tant les personnels de l’État et des collectivités en poste sur le domaine public routier que leurs collègues partis en retraite.

Quant à l’amiante dans les archives, l’absence d’impulsion de la Fonction Publique sur la question essentielle d’une industrialisation des techniques de dépoussiérage - désamiantage renvoie chaque employeur public à ses capacités budgétaires propres, plus que restreintes ces dernières années.

On peut également regretter que le "milliard pour la rénovation des cités administratives" n’inclue pas l’éradication de l’amiante, pourtant indispensable vu l’incomplétude actuelle des DTA, pour repartir sur une base saine sans mauvaise surprise ultérieure.

Mais nous constatons également que, quel que soit le secteur de la Fonction Publique, là où les employeurs publics ont mis les moyens et animé un dialogue social actif sur cette question de santé publique importante, des progrès essentiels ont été faits, l’amiante a été souvent éradiqué ou clairement signalisé et encoffré, les personnels et les usagers ont été protégés, des suivis médicaux ont permis une prévention efficace et des reconnaissances de maladies professionnelles ont été dûment indemnisées.

Santé Publique France a noté dans son rapport de 2019 sur les évolutions des maladies liées à l’amiante, et en particulier du mésothéliome, une progression
"inattendue" du nombre de déclarations, malgré la baisse prévue des expositions industrielles. Elle est liée à l’augmentation inexorable des cas liés à une exposition du secteur des services ou du tertiaire. La Fonction Publique en porte sa part de responsabilité !

C’est pourquoi nos organisations syndicales demandent que soit tiré au plus vite un bilan contradictoire de l’application des circulaires amiante de 2015, afin de mettre en lumière les points de blocage à la mise en oeuvre des circulaires, trouver les solutions pour les surmonter et donner une nouvelle impulsion à la prévention primaire contre le danger de l’amiante.

Il sera possible en particulier de s’appuyer sur les efforts déjà réalisés par certains
employeurs publics plus actifs sur cette question ou de nouvelles avancées
technologiques mises au point dans les dernières années.

Nous vous adressons, Madame la Ministre, nos respectueuses salutations.

Baptiste Talbot
Coordinateur de la CGT Fonction Publique
Pascal Kessler
Président de la FA - FP
Benoit Teste
Secrétaire Général de la FSU
Gaëlle Martinez
Déléguée Générale de Solidaires Fonction publique



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