- Article publié le 24 octobre 2017
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Info de la CGT Grand Reims Communauté Urbaine : Analyse du Programme d’investissements d’avenir (PIA)
Le syndicat Ufict de Reims Métropole a analysé le « Programme d’Investissement d’Avenir » (PIA) élaboré en 2009 par Juppé et Rocard avec l’aide de Nicole Notat et d’Edouard Philippe.
Le PIA est un outil majeur et peu connu de la privatisation des services publics. Une analyse utile et à faire connaître.
Le PIA3, enjeu syndical interprofessionnel
Les ordonnances Macron ont mobilisé des centaines de milliers de manifestants parce que leur nocivité est connue. Le Programme d’investissements d’avenir (PIA) est méconnu alors que ses enjeux sont tout autant néfastes.
Juppé, Rocard, Notat et Philippe
Le PIA est né du rapport « Juppé – Rocard » de 2009, avec comme co-auteurs Nicole Notat et Edouard Philippe. Son objectif est « l’indispensable transition vers un nouveau modèle » capitaliste, dans le cadre d’une concurrence mondiale exacerbée. En témoigne cette phrase : « La compétition internationale s’étend à de nouveaux domaines, comme l’enseignement supérieur et la recherche ». Considérant que « les entreprises doivent d’abord se relever de la crise », le rapport conclue qu’un « effort exceptionnel d’investissement s’impose » en leur direction sur fonds publics.
47 milliards de cadeaux en 6 ans
Cet investissement exceptionnel s’est traduit de 2010 à 2014 par 35 Milliards d’€ et de 2014 à 2016 par 12 milliards. En 2016, son évaluation a été confiée à Philippe Maystadt, ancien ministre belge. Il constate que les entreprises sont venues chercher les fonds publics sans investir à leur tour. En 134 pages ne figure aucune rubrique emploi. 47 milliards ont donc été octroyés sans contrepartie. Comme pour le CICE.
Le PIA3, 10 nouveaux milliards
Une 3ème phase s’est ouverte en 2016, avec une enveloppe de 10 milliards ; Soit une année d’APL pour les locataires du privé. Cette somme est également proche des 13 milliards que Macron entend ponctionner sur le dos des collectivités territoriales…
PIA 3 et loi NOTRE
Le PIA3 s’appuie sur les collectivités territoriales (régions et les métropoles) et la loi NOTRE. L’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) PIA 3 est très clair : « La redéfinition des périmètres et compétences d’agglomérations, avec la réforme territoriale, la constitution des métropoles, appuyée par le pacte Etat-Métropole (…) offrent l’opportunité de renforcer ces dynamiques d’innovation de territoires ». Le PIA3 recompose l’architecture territoriale pour l’adapter à la nouvelle forme du capitalisme.
L’ubérisation
Le PIA3 constitue un laboratoire expérimental capitaliste, permettant selon la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) de développer des stratégies de mutation territoriale faisant émerger de nouveaux standards et modèles, dans des approches disruptives. En d’autres termes, l’objet du PIA est d’ubériser l’ensemble de la société.
La gouvernance : approche intégrée et acceptabilité sociale
La CDC parle d’approche intégrée mêlant acteurs publics, économiques, sociaux, scientifiques et académiques. Elle évoque, la notion d’acceptabilité sociale des stratégies de mutation territoriale. D’où l’approche intégrée destinée à instrumentaliser des organisations syndicales. Celles-ci seront intégrées dans des consortiums, constitués localement, reposant sur une ou des collectivités.
Dévoyer le service public et laïc de l’enseignement supérieur
Or, le PIA3 inféode les universités pour les dévoyer en imposant leur présence dans tout consortium : « toute candidature doit s’appuyer sur une composante académique, scientifique et technologique et proposer un protocole de suivi et d’évaluation ».
La recomposition des formations supérieures
Cette recomposition est appelée Nouveaux Cursus à l’Université. L’un des objectifs est de préparer les étudiants considérés comme main d’oeuvre « à un monde en profonde mutation du fait du numérique ». L’individualisation des parcours signifie la fin des diplômes nationaux et vise à dissuader de nombreux étudiants de suivre certaines filières. C’est une forme de sélection. Quant aux universités numériques, il s’agit de revenir sur la massification – démocratisation, tout en réduisant les coûts.
Bunkerisation du master et UER
Le PIA3 prévoit une restructuration du système d’enseignement supérieur et de recherche, avec la création "d’écoles universitaires de recherche" (UER), inspirées du modèle anglo-saxon des graduate schools, dans une logique d’excellence. En 2015, Louis Schweitzer, commissaire général aux investissements avait déclaré : " Nous gardons toujours en tête l’esprit PIA, construit autour de trois mots : excellence, innovation et coopération, a simplement rappelé le commissaire général. Nous ne soutenons pas les médiocres, mais les meilleurs." Le dispositif UER intègre des Masters d’excellence, contrairement aux écoles doctorales. Le magazine économique Usine nouvelle reconnait ainsi que ce qui prévaut ici c’est « l’idée d’apporter une forme de sélectivité ». Dans les faits certains Masters seront bunkerisés et soumis au patronat.
La financiarisation du fonctionnement des Universités
L’Université dans son ensemble sera désormais dépendante pour son financement de son interaction dans des processus économiques. Le PIA3 expérimentera des nouveaux modes de gestion avec des « sociétés universitaires et scientifiques », concernant l’immobilier, les activités concurrentielles de formation et de recherche, ou des équipements de recherche.
Un enjeu syndical interprofessionnel sur le territoire rémois
En effet, un accord de consortium dit ≪Projet Inno Bio éco 2 » a été adopté par la Communauté Urbaine de Reims, les Communautés d’Agglomération de Chalons et d’Epernay, les Villes de Reims, Chalons et Epernay, la Chambre de Commerce, la Chambre d’Agriculture et l’Université Reims. Cette dernière s’est engagée à créer une Ecole Universitaire de Recherche en Bio économie. Dans cette perspective, l’Université de Reims sera bientôt réduite à sa partie utile au patronat. La venue à Reims, le 23.10 de la ministre de l’enseignement supérieur s’inscrit dans ce cadre.
Ce qui n’a pas été possible avec l’échec du projet de communauté urbaine Reims Chalons Epernay renait de ces cendres avec le consortium du triangle marnais.
Le PIA3 vise à faire émerger les territoires de demain sur lesquels le capitalisme informationnel dérégulé régnera en balayant les acquis sociaux et démocratiques obtenus par les luttes depuis le XIXème siècle. Au regard de ce constat, les rédacteurs du PIA3 ont raison de s’inquiéter de ce qu’ils nomment pudiquement « les conditions d’acceptabilité par la population » et que nous qualifions de lutte des classes. Gageons que la CGT et l’UNEF sauront être présentes.
Reims, le 20.10.17.