- Article publié le 14 janvier 2020
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Protection de l’enfance | Compte-rendu de l’audition de la CGT à la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme
La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme a été saisie par M. TAQUET, secrétaire d’État à la protection de l’enfance, pour rendre un avis concernant le respect des droits des enfants et de leur famille dans le cadre des mesures de protection de l’enfance.
Afin de rendre leur avis, les membres de la CNCDH ont souhaité consulter les organisations syndicales. La CGT s’est pleinement saisie de cette proposition et a été entendue afin de rappeler les revendications que nous portons concernant la protection et justice des enfants en danger.
Aussi, lors de notre audition, nous avons pu rappeler que si la loi du 14 mars 2016 vise à positionner l’enfant et sa famille au cœur du dispositif, notamment à travers la mise en œuvre des Projets pour l’Enfant, les professionnels de terrain n’ont pas eu besoin d’attendre cette loi pour faire de leur mission de Protection de l’enfance un lieu privilégié pour travailler avec les enfants et leurs liens avec leur famille naturelle.
Ainsi, la mise en œuvre des PPE, si elle ne se manifeste pas toujours par un document formel, n’en est pas moins un outil du quotidien pour poser les étapes du travail éducatif visant au bien-être des enfants et au respect de leurs droits fondamentaux.
Pour autant, nous avons pu, depuis plusieurs années, constater le manque de moyens alloués aux différents services pour travailler et la globalisation sur le territoire de la marchandisation du social, situation qui ne permet plus aux professionnels de répondre à leur mission première.
En effet, dans un bon nombre de départements, la charge de travail par professionnels ne cesse d’augmenter tant dans les lieux d’accueil que dans le suivi en milieu ouvert.
L’accroissement de cette charge de travail ne permet pas aux professionnels d’assurer un travail de qualité. Ils se retrouvent contraints de gérer sans cesse l’urgence. Cette gestion de l’urgence sociale met à mal la réflexion professionnelle, le travail partenarial, le temps de présence effectif auprès des enfants et de leur famille, et donc nuit gravement à la possibilité de pouvoir répondre à leurs besoins.
En protection de l’enfance aujourd’hui et, dans un bon nombre d’endroits sur le territoire, on n’agit plus dans l’intérêt de l’enfant, mais on colle des rustines et nos réponses d’accueil se font en fonction des disponibilités des structures.
De plus, au plus haut niveau de l’échelle décisionnelle, c’est-à-dire celui des Conseils départementaux, qui ont la charge de mettre en œuvre les politiques de protection de l’enfance, on constate le désengagement dans la prise en charge au profit du secteur habilité, à qui pour autant on ne donne pas les moyens financiers nécessaires pour pouvoir agir. Cette situation créée un manque, une mise en concurrence entre les différents types de prise en charge voir entre les professionnels. On constate bien trop souvent pour répondre aux projets gouvernementaux la mise en place d’appel à projets pour offrir de nouveaux lieux d’accueil et innover. Si cette innovation peut avoir du sens, elle se fait malheureusement sans moyens financiers supplémentaires pour le recrutement, la formation et donc la réponse aux besoins des enfants et de leur famille.
Non seulement l’organisation et la gestion des équipes se veulent toujours plus technocratiques et sont faites par des administrateurs qui n’ont aucun lien avec le travail social. C’est l’introduction il y a moins de 20 ans, de l’idée de rentabilité dans le travail social.
Parallèlement à ce phénomène, la précarisation, des équipes, leur renouvèlement, leur mise en incapacité de se parler les unes avec les autres, empêchent les transmissions de savoir, de pratique, de réflexes/automatismes. Nous constatons également un appauvrissement des formations professionnelles et la fusion des diplômes (ASS/éducateur). Si l’accroissement de connaissance et leur diversification pourraient être un plus, elle ne fait que cacher l’exigence patronale de la « polyvalence », « l’adaptabilité » des agents pour qu’un employé fasse le travail de 2 voire 3 ! Il s’agit à terme de la fin de la pluridisciplinarité qui a pourtant enrichi le travail social.
La fin des prises en charge en protection de l’enfance par la PJJ (Protection Judiciaire de la Jeunesse), depuis les années 2000, a eu un effet domino d’augmentation de la prise en charge par les départements seuls désormais à en supporter le financement. La situation des jeunes majeurs est d’ailleurs très parlante : Première victime de ce choix politique par l’État, ils subissent dans un 1er temps au mieux un transfert de suivi de la PJJ vers l’ASE au pire une sur-judiciarisation de leur situation pour permettre la poursuite de l’accompagnement éducatif. Mais depuis 10 ans, on constate que les départements ne pouvant plus supporter cette population ont diminué sa quotité en augmentant les critères de sélections. Aujourd’hui, nous observons que dans plusieurs départements un « tri » des plus de 17 ans va s’opérer. Or, chez les SDF de moins de 25 ans, le taux d’anciens jeunes suivis par les services sociaux explosent.
De même, la destruction progressive des services de prévention primaire que sont les PMI, Services sociaux de Secteur puis Prévention spécialisée de Rue nous montre que les populations prises en charge par l’ASE ou la PJJ sont de plus en plus vulnérables. Pire certaines situations auraient surement pu être évitées si une action d’aide en amont avait été mise en œuvre.
À vouloir jouer la carte de la rentabilité dans le travail social, l’état et les départements sont en train de mettre à mal tout un système de solidarité et d’accompagnement qui ne peut que nous inquiéter sur le choix politique du devenir de la France de demain.
Dans le cadre de cette audition, nous avons également pu déconstruire une partie du discours politique d’aujourd’hui qui vise à stigmatiser la prise en charge des mineurs isolés étrangers. En effet, c’est une honte que de voir le traitement différencier qui est fait, dans bons nombres de départements pour ces enfants. À la CGT, nous rappelons l’importance de prendre en charge TOUS les mineurs sans distinction aucune.
Enfin, et ce dans l’intérêt de pouvoir améliorer la réponse au respect des enfants et de leur famille, nous avons dénoncé la loi de transformation de la Fonction publique, qui ne fait qu’annoncer la disparition progressive de notre bien commun à tous que sont les services publics et donc le moyen de garantir à tous et partout des réponses adaptées aux besoins de la population.
Le social ne peut être une denrée financière, il doit être mis fin au mécénat du CAC 40 !
De manière globale, la CGT a donc rappelé :
• des postes en nombre et adaptés à toutes les situations
• une diminution des « quotas » par agents
• de mesures (AED, TISF, AEMO) et des places d’accueil en nombre et diversifiées (MECS, familles d’accueil, accueil mère-enfant, service d’accompagnement à l’autonomie,…)
• la systématisation du recours à un tuteur ou administrateur ad-hoc à minima pour les MIE et les situations familiales les plus complexes voir pour tous
• de rendre possible la mise en œuvre des APJM jusqu’à 21 ans autant que nécessaire voir de l’étendre jusqu’à 25 ans
• de moyens supplémentaires pour la prévention primaire (PMI) et spécialisée
• des moyens adaptés et à la hauteur des enjeux pour la protection et prise en charge des mineurs isolés étrangers
• le retrait de la loi de transformation de la Fonction publique