- Article publié le 10 mai 2021
- /
- 254 visites
50 | Lettre ouverte de réponse à Monsieur le Maire de Cherbourg-en-Cotentin : Augmentation du temps de travail - Votre « Information aux agent.e.s de la commune et du CCAS de Cherbourg-en- Cotentin » en date du 9 avril 2021
Monsieur le Maire,
En réponse à la diffusion du tract de l’Intersyndicale CGT – FO – CFDT – FAFPT – CFTC – UNSA contre les 1607 heures et le vol de congés, vous avez cru bon vous adresser par courrier aux agents de Cherbourg-en-Cotentin par mail, affichages et en première page de l’intranet. Seulement deux jours après le début de la diffusion de ce tract et de la pétition, qui est d’ailleurs toujours à disposition des agents, vous venez confirmer qu’effectivement une loi rétrograde était bien à l’œuvre, afin d’augmenter le temps de travail de 60 heures annuelles dès le 1er janvier 2022, impliquant la suppression de 4 à 8 jours de congés.
Dans votre courrier du 9 avril, vous prétendez également que des « informations erronées » seraient transmises par les organisations syndicales représentatives, et qu’en tant que Maire vous alliez rétablir la vérité et donner une « information fiable et transparente » aux agents pour appliquer la loi.
Nous, organisations syndicales représentatives élues par le personnel municipal, nous déclarons être plus que stupéfaites et surprises par la méthode et vos propos, qui réduisent le dialogue social à des échanges distants avec vous.
Lorsque vous prétendez que « Contrairement aux propos syndicaux, la collectivité n’a aucune intention de réduire les effectifs municipaux du fait de l’adaptation de la durée légale du temps de travail », êtes-vous bien sûr de comprendre l’esprit de cette loi de Transformation de la Fonction Publique ? Et, par-dessus tout, êtes-vous bien sûr de comprendre ce que revêtent le dialogue social, et le rôle des organisations syndicales ?
M. le Maire, quoique vous en disiez, telle est bien la logique de cette loi, nous faire travailler plus sans contreparties, ceci afin de supprimer de l’emploi public, et donc de faire des économies. La Cour des Comptes explique elle-même, et pas les organisations syndicales, que le passage à 1607h correspondrait à une diminution de 57 000 postes au plan national et à une économie de 800 millions d’euros au bas mot.
Comme expliqué dans le tract, appliquer stricto-sensu la loi sur les 1607 heures à Cherbourg-en-Cotentin, pourrait revenir à faire une économie de 140 postes, soit environ 4 millions d’euros. Vous aurez beau dire que nous donnerions des « informations erronées », que ce n’est pas votre volonté de faire des économies, les faits restent têtus, c’est mécaniquement ce qui va se passer en nous faisant travailler chacun et chacune plus. De plus, dans le tract, nous ne faisions que de vous poser la question, à savoir si telle était votre volonté après avoir vanté les louanges du Service Public et des agents.
Mais les agents et leurs organisations syndicales jugeront sur pièces, à l’heure où la collectivité est en pleine réorganisation des services avec 25% des agents (soit environ 500) qui partiront à la retraite d’ici 2026, que seuls 22 postes sont créés principalement en catégorie A & B, et alors que les équipes sur le terrain voient leurs champs d’interventions élargis à effectifs au mieux constants, mais aussi souvent, réduits, sans recrutements à la hauteur.
En effet, et comme vous l’évoquez dans votre lettre, l’administration nous a présenté le 15 avril dernier un document, avec 17 points de discussions, issus d’un "Benchmarking" (technique d’analyse) de votre association d’élus des grandes villes et métropoles France Urbaine. Recensant les démarches conduites en France pour se mettre en conformité avec la loi, vous nous avez invités à les partager et à "co-construire une solution pour notre collectivité".
Mais dans ce document, qu’y a-t-il ? Une reprise des propositions des OS, toutes démontées une par une comme étant soi-disant illégales, mais qui traduisent en fait un manque de courage politique en l’absence totale de jurisprudence en France, ainsi que des exemples de ce qui se fait ailleurs comme possibilités d’application des 1607 heures.
Tout d’abord France Urbaine nous explique que ne pas mettre la loi en application, comme l’ont fait plusieurs collectivités du pays, nous exposerait à un contrôle de la Chambre Régionale des Comptes, qui saisirait le Préfet, et qu’en conséquence les salaires pourraient ne pas être versés !
Ce scénario est plus que discutable, il demande à être vérifié car il n’existe aucune jurisprudence. En tout état de cause il met en exergue l’absolue nécessité pour vous M. le Maire de vous exprimer publiquement et politiquement sur cette loi, comme les maires qui ont choisi de ne pas l’appliquer, par respect et reconnaissance pour leurs agents, en la période de crise que nous connaissons.
Faites remonter au gouvernement votre désaccord face à l’injustice de cette loi abjecte. Prenez position comme vous avez su le faire contre l’arrêté du Préfet interdisant la diffusion de musique amplifiée tout récemment ! Nous avons entendu médiatiquement les maires qui s’opposent à l’augmentation du temps de travail, mais en revanche aucun de votre association France Urbaine, et parmi ceux qui vont appliquer le vol de congés ! Et pour cause, France Urbaine a contribué aux réflexions de cette loi TFP !
Enfin M. le Maire, si parce que nous sommes en République la loi doit s’appliquer, ce que nous ne contestons absolument pas, vous avez plusieurs leviers dont vous pouvez vous saisir. Les organisations syndicales vous ont fait des propositions que vous écartez volontairement pour imposer des RTT en lieu et place des congés, que vous ne contestez pas vouloir supprimer (ce qui d’ailleurs générera des économies…). Pour mémoire, ceci est une arnaque, des RTT sont une récupération d’un travail déjà fait : ils sont perdus en cas d’arrêt de travail, de maladie, ou de nouveau confinement par exemple (…) ce qui n’est pas le cas des congés. De plus ils peuvent être imposés, contrairement aux congés !
Pour mémoire, nous vous remettons ici les pistes que vous pourriez creuser d’ici la prochaine réunion du 20 mai pour ne pas supprimer de congés aux agents : faire respecter la libre administration des collectivités territoriales qui est constitutionnelle, avoir recours à l’ordonnance du 17 février 2021 qui permet des accords locaux entre organisations syndicales représentatives et administration sur plusieurs thématiques, et notamment le temps de travail ; enfin, élargir largement le champ des sujétions spéciales en reconnaissance des pénibilités au-delà de son périmètre actuel.
Nous entendons également insister sur un point : la loi entend faire du "dialogue social" en supprimant tous les accords dérogatoires passés avant sa promulgation, tout en permettant (avec l’ordonnance du 17 février) de négocier des accords locaux majoritaires. En conséquence, il semble que rien n’interdit de fait de renégocier le régime des congés que la loi vient de supprimer. M. le Maire, vous n’êtes pas sans savoir, comme nous, que dans l’esprit Macronien cela vise à imposer dans le Service Public, la primauté de l’accord d’entreprise tel qu’issu de la loi El Khomri. Encore un exemple du fameux « en-même temps ».
Également, nous vous demandons une expertise et un conseil juridique qui soit neutre, et hors du cadre des propositions du Think Tank (groupe de réflexions et de conseil) que vous représentez avec votre association France Urbaine. Cette expertise juridique pourra permettre de prendre le temps de la négociation afin de déroger au calendrier imposé d’une application des 1607 heures en janvier 2022.
Dans l’attente de vous rencontrer, et afin de permettre aux agents de notre collectivité de se mobiliser avec leurs organisations syndicales, nous vous remettons un préavis de grève qui les couvrira jusqu’au mois de juillet, et leur permettra de participer à toute mobilisation et/ou exprimer leur mécontentement.
Recevez nos syndicales salutations,
L’intersyndicale.