- Article publié le 13 mars 2020
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Audition Cour des Comptes du 12 mars 2020 sur les contractuels de la Fonction publique - Contribution de la CGT
Concernant les contractuels de la Fonction publique la CGT a une démarche générale qui s’appuie sur sa réflexion sur le secteur privé et le secteur public.
Pour nous le monde du travail est unifié par les principes du droit du travail, qui fondent nos revendications de « Code du travail du 21ème siècle » et de « nouveau statut du travail salarié ». Pour autant le statut des fonctionnaires n’est en rien soluble dans ce « statut du travail salarié ».
Il y a un monde du contractuel, le privé, et un monde du statutaire et du réglementaire, le public. En particulier ce qui différencie le public du privé est que :
– dans le privé les conditions de travail sont aussi régies par des contrats collectifs, les conventions collectives et les accords ayant valeur normative ;
– dans le public la jurisprudence du Conseil d’État ne reconnait aucun contrat collectif d’aucune sorte. Les conditions de travail sont régies par des textes réglementaires ou législatifs, s’il y a besoin de dérogations au du code du travail.
La jurisprudence du Conseil d’État reconnaît que tant qu’il n’est pas besoin de dérogation les dispositions du code du travail s’appliquent, comme pour le temps de travail de droit commun.
Pour le Conseil d’État les principes généraux du droit s’appliquent dans le privé comme dans le public, par exemple l’obligation de reclassement, pour les fonctionnaires comme pour les contractuels de droit public.
En conséquence, les contractuels de droit public ont un contrat individuel, contrairement aux fonctionnaires, mais ils ne relèvent pas d’un contrat collectif, et comme les fonctionnaires ils relèvent de la règlementation pour leurs conditions de travail.
Les accords que peuvent signer les syndicats de la fonction publique n’ont pas de valeur juridique contraignante, de valeur normative. La signature par la puissance publique de ces accords engage la puissance publique à les traduire en textes législatifs et réglementaires. Ils ne créent aucun contrat collectif ni pour les fonctionnaires, ni pour les contractuels.
La CGT se situe dans ce cadre, qui est celui définit par le statut général des fonctionnaires.
Les revendications de la CGT cherchent à renforcer la protection des contractuels sans établir un quasi-statut bis, qui entrerait en concurrence avec celui des fonctionnaires.
Pour la CGT, la logique implicite des lois de transformation de la fonction publique d’août 2019 et du projet de loi de réforme des retraites, c’est la sortie du statut général pour la majorité des fonctionnaires, à l’image des réformes suédoises et italiennes qui ont vu les fonctionnaires de ces pays passer du statut au code du travail.
La méthode pour ce faire :
– C’est pour les fonctionnaires de passer d’une fonction publique de carrière à une fonction publique d’emploi, pour rapprocher leur gestion de celle des contractuels. C’est dans cette logique que nous semble se situer la proposition de fusion des CAP des fonctionnaires et des CCP des contractuels évoquée dans le document transmis.
– C’est pour les contractuels accroître les recrutements directs en CDI, et introduire du contrat collectif pour les gérer en concurrence avec la règlementation. C’est dans cette logique que nous semble se situer la proposition d’accords collectifs régionaux et par métiers évoquée dans le document transmis.
Dans un deuxième temps, après avoir mis en désordre la gestion des agents publics, on verra un gouvernement proposer une unification universaliste de la gestion des agents publics dans le cadre du code du travail. Nous n’en voulons pas.
Notre logique est une gestion des contractuels plus protectrice et présentant plus de
garanties, et mettant toujours les contractuels en situation de choisir la titularisation.
Selon le rapport sur la Fonction publique de 2019, 60% des contractuels de 2009 sont toujours dans la Fonction publique en 2015, et près de la moitié de ceux-ci sont devenus fonctionnaires. L’essentiel des titularisations est le fait de recrutements de droit commun hors plan de titularisation. Un contractuel sur 10 devient fonctionnaire chaque année.
Pour nous la reconnaissance de la qualification des contractuels doit s’appuyer sur celle établie par la grille indiciaire des fonctionnaires. Établir un barème de rémunération propre aux contractuels sur certains métiers plus proche des niveaux de rémunération du secteur privé ne peut qu’être une rustine temporaire et non une solution pérenne au décrochage des rémunérations du public par rapport au privé. La solution c’est de relever la rémunération des fonctionnaires et la grille indiciaire.
Le choix fait par le gouvernement d’augmenter les rémunérations des enseignants et des chercheurs à hauteur de 10 milliards en 2037 pour les enseignants et de 2 milliards pour le supérieur valide notre analyse.
Pour permettre aux contractuels qui ne relèvent pas d’un quasi-statut de saisir la justice administrative pour faire respecter leur droit à une évolution triennale de leur rémunération, il n’est nul besoin de créer un statut bis. Des référentiels de rémunération par employeur ou groupes d’employeurs s’appuyant sur la grille indiciaire des fonctionnaires et cohérents avec l’évaluation des contractuels le permettent. Ces référentiels doivent être opposables à l’employeur et relever de la réglementation.
Plutôt que d’aller chercher des métiers nouveaux réservés aux contractuels ou inventer des accords collectifs pour les contractuels, on pourrait déjà résoudre des problèmes existants concernant les non-titulaires réels. Par exemple la CGT est favorable à une unification statutaire des ouvriers d’État, qui ne sont pas fonctionnaires du fait de la nature des métiers qu’ils exercent. En particulier nous souhaitons que soient établie une liste de métiers qui n’ont pas vocation à être occupés par des fonctionnaires et qui ont vocation à être occupés par des ouvriers d’État dans l’État. Une fois qu’on aura été capables de faire ça on pourra réfléchir au reste, sinon ça s’appelle une fuite en avant.
Pour les nouveaux métiers il est parfaitement possible de créer de nouveaux corps ou cadres d’emploi ou de faire évoluer ceux existant.
Enfin il n’est pas sérieux de s’en tenir au simple constat passif d’une augmentation du nombre de contractuels. Elle est l’effet du refus de nombreux employeurs publics d’appliquer le protocole Sauvadet. Elle doit être analysée par secteur d’emploi, la précarité de l’emploi étant un mode de gestion délibéré des emplois dans certains secteurs, comme l’enseignement supérieur, ou des collectivités territoriales pour les remplacements courts dans les métiers de la petite enfance ou les EPAHD.
Pour les questions posées par la Cour des comptes :
– L’élargissement des recrutements sur titre dans l’hospitalière était fondé sur les
diplômes d’État et les métiers de ce secteur, et pas sur un principe général. La CGT n’a jamais été opposée à la professionnalisation des recrutements mais est attachée au principe du concours.
– Les cadres de gestion des contractuels ne doivent pas être transversaux à la Fonction publique ou par versant, mais être pris par employeurs ou groupes d’employeurs, y compris par l’intermédiaire des centres de gestion. Ils doivent avoir une valeur réglementaire : ils ne peuvent constituer un statut bis. C’est mieux de les négocier.
– La prise en compte des taux de la cotisation retraite employeur des fonctionnaires
pour établir la masse salariale des ministères doit cesser de favoriser le recrutement
de contractuels. Au-delà de 17% de la rémunération brute, c’est le ministère du budget qui doit prendre directement à sa charge la cotisation employeur des fonctionnaires.
– La gestion par Pôle emploi de l’assurance chômage par délégation des employeurs
publics auto-assureurs nous convient, sans aller au-delà. Une adhésion obligatoire à
Pôle Emploi dans la territoriale et l’hospitalière banaliserait de fait l’emploi de
contractuels. Sa logique serait de faire payer la précarité particulièrement développée dans le public par les branches les moins précaires du privé.
– Nous avons déjà répondu à cette horreur statutaire qu’est la fusion des CAP et des
CCP.