- Article publié le 14 juin 2018
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Ce que revendique la CGT pour les salaires dans la Fonction publique : lettre ouverte aux ministres en amont de la réunion du 18 juin
Messieurs les Ministres,
En amont du rendez-vous salarial que vous avez fixé au 18 juin, la CGT souhaite porter à votre connaissance les principales revendications qu’elle portera à l’occasion de cette importante réunion.
En tout premier lieu, nous aspirons vivement à ce que cette rencontre soit l’occasion d’une véritable négociation où les différents points de vue soient entendus et pris en compte, à l’inverse des chantiers que vous avez ouverts depuis des semaines où seules les grandes options gouvernementales ont droit de cité.
Pour en venir au cœur des enjeux du 18 juin – les salaires et le pouvoir d’achat de plus de 5 millions d’agents, la CGT y portera notamment les exigences suivantes :
- Les mesures générales :
Contrairement aux dispositifs imposés ces dernières années, que vous avez repris à votre compte pour 2018, la CGT considère que le gel de la valeur du point d’indice est tout à la fois profondément injuste, porteur de lourds préjudices pour les salariés qui le subissent et gravement attentatoire à la grille indiciaire.
Depuis 2010, le décrochage entre la valeur du point et l’indice des prix à la consommation a dépassé les 7%.
Si l’on remonte 20 ans en arrière, début des politiques où la valeur du point a connu des revalorisations significativement plus faibles que l’inflation, il est aisé – et objectif – de constater les effets extrêmement négatifs de cette austérité salariale.
Nous nous limiterons ici à en relever quelques-uns :
o Il y a 20 ans donc, 10% des agents des 3 versants étaient rémunérés dans une fourchette comprise entre le SMIC et le SMIC + 10%.
C’est 18% aujourd’hui.
o Il y a 20 ans, un agent de catégorie C déroulait une carrière complète sur deux grades et bénéficiait d’une amplitude de carrière de 40 %.
C’est 28% aujourd’hui avec une durée de carrière plus longue de 6 ans.
o La même illustration vaut aussi pour la catégorie B où l’amplitude de carrière sur les deux premiers grades était de 100% pour ne plus être à présent que de 67%.
o Enfin, un agent de catégorie A était recruté à 50% au-dessus du SMIC il y a 20 ans.
C’est moins de 20% aujourd’hui.
Bien d’autres exemples pourraient être apportés soulignant ce processus de smicardisation massive et de délitement. La cause n’en est pas contestable : la quasi-stagnation de la valeur du point corrélée à des mesures bas salaires, le plus souvent insuffisantes, correspondant à des obligations légales ont comprimé la grille indiciaire de manière insupportable.
C’est pourquoi, la CGT revendique l’augmentation de la valeur du point.
Sur les principes pérennes, notre organisation syndicale entend que l’indexation de la valeur du point sur l’indice des prix à la consommation soit mise en débat.
S’agissant de l’urgence, la CGT demande une première mesure de revalorisation équivalente à l’inflation prévue sur 2018 et 2019, soit 2.5%, sous réserve évidemment que celle-ci ne connaisse pas un dérapage à la hausse.
Par ailleurs, compte tenu du passif salarial, la CGT réclame la prorogation du dispositif de la GIPA.
Enfin, nous maintenons notre exigence de l’abrogation du jour de carence qui, entre autres conséquences négatives, pénalise le pouvoir d’achat des agents.
- La compensation de la CSG
C’est peu de dire que la CGT n’était pas favorable à la hausse de la CSG, contribution qui pose de sérieuses questions de justice sociale et sur le financement de la protection sociale.
Ceci posé, nous déplorons que, contrairement à ses engagements, le Président de la République ait choisi, pour les agents de la Fonction publique, un dispositif de compensation ne correspondant à aucune augmentation du pouvoir d’achat. Pire, au-delà de 2019, c’est une baisse en bas de la feuille de paie qui interviendra.
Sans revenir à ce stade sur notre désaccord de principe, la CGT revendique de reprendre la discussion sur la base d’une mesure assise sur l’octroi de points d’indice – et pas une indemnité – permettant une amélioration du pouvoir d’achat.
- Prise en charge des frais de mission
Les frais engagés par les personnels dans l’exercice de leurs missions, de leurs formations et de leurs mandats ne sont pas pris en charge de manière satisfaisante.
Depuis de nombreuses années, les revalorisations en matière d’indemnités kilométriques, de remboursement de repas et d’hébergement ont été beaucoup trop faibles.
En conséquence, la CGT demande les réponses du gouvernement suite aux discussions menées sur ces sujets depuis plusieurs mois, afin d’aboutir à une prise en charge totale par les employeurs publics.
- Les primes ayant un caractère de complément salarial
La CGT persiste à penser que le quasi doublement de la part des primes dans la rémunération globale des fonctionnaires est tendanciellement une mauvaise chose.
Cet accroissement vertigineux augmente les inégalités entre les agents, constitue un frein majeur à la mobilité choisie et pose de graves problèmes s’agissant des droits à pension.
Notre organisation observe qu’une grande part des primes n’est pas liée à des sujétions particulières et, de fait, correspond à un complément salarial.
Pour insuffisante qu’elle ait été, la CGT a salué la mesure qui a consisté à intégrer une part des primes dans le traitement brut. Il faut aller beaucoup plus loin et mettre en place un plan pluriannuel en poursuivant ce processus pour les primes ne découlant pas de sujétions ou d’astreintes.
A ce stade, la CGT tient à affirmer de nouveau son opposition au salaire au mérite, dangereux dans son principe même et adossé sur un nouvel accroissement des primes et donc des inégalités salariales.
En revanche, notre organisation rappelle qu’elle est favorable à reconnaitre la manière de rendre le service public dans le déroulement de carrière, principe que le statut général a toujours explicitement prévu et mis en œuvre. Il va de soi que cela doit se faire dans les conditions et les exigences d’aujourd’hui.
- Égalité salariale
La CGT tient fermement à rappeler que l’égalité salariale est, pour elle, l’une de ses priorités salariales.
Il est aisé de constater que cette exigence, dont nous avons entendu à maintes reprises qu’elle était partagée par le Président et vous-mêmes, trouvera plus facilement à se traduire en actionnant le levier de la valeur du point plutôt que la part aléatoire de la rémunération qui, c’est malheureusement une constante, joue en la défaveur des femmes.
Il s’agit clairement de faire augmenter et de revaloriser significativement le traitement indiciaire dans la rémunération.
Au-delà, la CGT a déjà fait connaitre de nombreuses propositions permettant de faire en sorte que l’égalité salariale ne soit pas une simple formule incantatoire mais devienne une réalité tangible. A ce jour, nous attendons toujours les réponses de votre part.
- Les retraités
Même si, par construction, un rendez-vous salarial a d’abord vocation à traiter de la situation des actifs, notre organisation syndicale n’entend pas faire l’impasse sur celle des retraités.
Évidemment, l’indispensable revalorisation des pensions passe nécessairement par l’amélioration dans l’acquisition des droits et les modalités de calcul. De notre point de vue, les dernières réformes ont emprunté un chemin inverse, pour tout dire hautement régressif et, malheureusement, celle qui s’annonce nous semble également s’orienter dans la mauvaise direction.
Ceci posé, la CGT revendique un dispositif d’indexation des pensions sur l’évolution du salaire moyen, des dispositions renouvelées permettant aux retraités de bénéficier des réformes statutaires des actifs et une revalorisation du minimum garanti.
Comme pour les actifs la CGT rappelle ses critiques à l’encontre de la CSG et plus particulièrement encore son opposition à sa hausse génératrice de perte de pouvoir d’achat inacceptable pour les retraités.
- Les carrières
Notre organisation syndicale ne tient pas d’avantage aujourd’hui qu’hier à mélanger les questions liées aux déroulements de carrières, aux promotions et à la reconnaissance des qualifications, à celles strictement salariales.
Une telle confusion est suffisamment entretenue et utilisée par toutes celles et ceux qui, en faisant un savant mélange des deux, nous expliquent que les salaires des agents de la Fonction publique augmentent sans revaloriser le point d’indice ! D’ailleurs, comme nous l’avons souligné plus haut dans ce courrier, ce sont ces méthodes de présentation et de calcul sur lesquelles ont été assises des politiques conduisant à la situation déplorable de la grille indiciaire et des déroulements de carrière.
Mais, ceci précisé, nous estimons indispensable qu’une négociation soit ouverte, dans un autre cadre que celui du rendez-vous salarial, pour permettre de dégager des mesures ambitieuses visant à restaurer des carrières dignes de ce nom.
- Des revendications finançables
En mettant en avant ces propositions, qui, encore une fois, se concentrent sur l’essentiel, la CGT a clairement conscience qu’elle se situe à rebours des orientations que, Messieurs les Ministres, vous ne cessez de préconiser.
Nous assumons sereinement ces fortes divergences.
Nous les assumons d’autant plus qu’il s’agit bien de choix politiques et non de vérités économiques comme certains cherchent à le faire croire.
Une seule illustration suffit à démontrer cette réalité. Notre revendication d’augmentation de 2,5% de la valeur du point représente un « coût » annuel d’environ 4,7 milliards d’euros.
Il faut d’abord préciser que cette somme comprend les cotisations sociales des employeurs publics.
Or, pour être tout à fait objectif, il convient de souligner que les agents de la Fonction publique, comme les autres salariés, paient des cotisations sociales et, pour leur majorité, l’impôt sur le revenu.
Tout cela représente des recettes publiques qu’il faut nécessairement prendre en compte dès lors qu’une partie du débat est arrimée à la dette et au déficit publics.
Donc, en termes de balance entre dépenses et recettes, le véritable coût de l’augmentation de 2,5% de la valeur du point se situe entre 3 et 3,5 milliards d’euros.
Ce chiffre est à rapporter à celui de la suppression de l’ISF et du nouveau système mis en place, mesure découlant de la volonté du Président de la République. Ce choix politique coûte environ 3 milliards d’euros annuels aux finances publiques pour 150 à 200 000 personnes.
Et il y aurait aussi beaucoup à dire sur les aides aux entreprises qui, ces 15 dernières années, ont triplé passant de 3,6% des dépenses publiques et 1,9% du Produit Intérieur Brut à 10,1% des dépenses publiques et 5,7% du Produit Intérieur Brut. Puisqu’on nous rebat souvent les oreilles avec des comparaisons internationales, rappelons ici que ces chiffres sont supérieurs de 2,6 points de PIB à ceux de l’Allemagne et 1,4 points à la moyenne de l’Union Européenne.
Dans le même temps, l’ensemble des salaires et primes versés à tous les agents des 3 versants de la Fonction publique a légèrement régressé dans le PIB.
Et, pendant que les aides aux entreprises triplaient, le taux de chômage passait de 7,9% à 9,4% de la population active.
A la CGT, nous estimons que ces éléments – et d’autres – méritent à tout le moins un débat approfondi.
Voilà, Messieurs les Ministres, les points sur lesquels notre organisation syndicale vous demande d’apporter des réponses le 18 juin.
Nous vous prions de croire en l’expression de nos salutations les meilleures.