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  • Article publié le 28 novembre 2019
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CSFPT séance plénière du 27 novembre 2019

Projet de décret « portant diverses modifications relatives aux emplois de direction dans la fonction publique territoriale »

Une concurrence renforcée entre cadres de direction dans un contexte d’incertitude généralisée

Ufict CGT / JDC, 25/11/2019

Le Conseil supérieur doit donner un avis sur un projet de décret spécifiquement pour le recrutement de contractuels sans condition de passage d’un concours de la République pour les emplois de direction.

Pourtant, l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen précise la nécessité de recourir aux concours pour accéder aux emplois publics. La CGT constate que malgré la force d’un tel principe constitutionnel, le titre I du 13 juillet 1983 s’est vu dénaturé par la « loi Galland » en 1987, encourageant, notamment de manière excessive, le recours aux contractuels à titre dérogatoire. Depuis, les réformes successives du Statut ont provoqué non seulement un éloignement considérable entre ce principe et la réalité en affaiblissant considérablement l’attractivité et la noblesse des fonctions d’intérêt général, mais aussi ont contraint les gouvernements successifs à programmer 15 plans de résorption de l’emploi contractuel, précaire par nature. Les emplois de directions n’ont pas fait exception à cette dérive acceptée par les employeurs publics, car depuis plusieurs années, l’autorité territoriale peut déroger au détachement d’un fonctionnaire de catégorie A en recrutant un contractuel sous condition d’un niveau de qualification à BAC+5.

L’ouverture encore plus grande à des contractuels sur les emplois de direction pour les collectivités de 40 000 habitants interroge lorsque l’on sait le contexte d’incertitude généralisée, mais aussi la concurrence entre cadres de direction qui va résulter de l’application de ce décret.

Les récentes réformes territoriales (loi NOTRe) ont provoqué́ de multiples réorganisations de services, modifié les organisations de travail et bouleversé les collectifs de travail. Les mobilisations des agents publics et plus spécifiquement les agents de catégorie A portent sur la reconnaissance et la responsabilité sociale, aspects corroborés par de nombreuses enquêtes révélant que les cadres sont en quête de sens, à la recherche d’un autre mode d’exercice des responsabilités, d’autre chose qui permettrait la mise en œuvre de leurs compétences.

La forte augmentation de la pression au travail, des objectifs à la performance poussant, de plus en plus les cadres territoriaux, à intérioriser les conflits éthiques comme au Conseil départemental du Gard où la Métropole de Lyon, à s’interroger sur sa propre utilité, son apport, avec une augmentation de la souffrance au travail qui se généralise et le risque de décompensation, peuvent conduire à des drames humains.

L’instrumentalisation et parfois la confiscation des compétences décidés par des DGA contractuels et/ou extérieurs à la FPT, vus comme des mercenaires technocratiques, avec la volonté non assumée de certains employeurs publics conduisent à la démotivation et à la démobilisation des cadres territoriaux, mais aussi au fractionnement de la catégorie A, ce qui constitue à l’évidence un contresens par rapport aux valeurs et à la finalité du service public.

Ce dévoiement doit laisser place à une revalorisation du travail des agents de catégorie A dans toutes ses dimensions, de leur place et de leur rôle.
Les cadres territoriaux de catégorie A quel que soit leur grade, se reconnaissent comme des fonctionnaires comme les autres, au même titre que les autres, mais leurs missions, leurs fonctions, leurs niveaux de responsabilités, leur technicité et leur rôle dans l’organisation du travail leur confèrent une spécificité.

Leur rôle, leurs fonctions de concepteur, de gestionnaire, ou d’encadrement, leurs aspirations novatrices entrent en collision avec les conséquences des politiques récessives visant de manière dogmatique à réduire les dépenses publiques.

Les collectifs de travail sont déstabilisés par les objectifs qu’assignent souvent les employeurs publics qui, même s’ils correspondent parfois, au moins en apparence, à des objectifs politiques affichés et légitimes, sont en contradiction avec les moyens qui sont alloués pour les satisfaire. De plus en plus de cadres supérieurs sont responsables de la mise en œuvre d’orientations politiques sans pouvoir intervenir sur les moyens correspondants.

Par ailleurs, le fonctionnement « court-termiste » constitue clairement une entrave à un épanouissement dans le travail et promouvoir une autre conception de la qualité du travail, viser la cohésion du collectif et l’épanouissement au travail.

Il est nécessaire de passer d’une administration centralisée, dans laquelle la gestion des organisations et la gestion des personnels génèrent de plus en plus de la pression, pression des délais, intensification de la charge de travail, de la souffrance, du gâchis économique et social, à une administration collaborative, communauté de travail qui soit un lieu de socialisation et d’humanité, permettant l’épanouissement au travail, la mise en œuvre des qualifications, le travail bien fait, donc l’efficacité économique et sociale plutôt que la performance ou la baisse des dépensés publiques.

D’autre part, les politiques de modernisation de l’État, bien que soutenues par les politiques d’égalité professionnelle, ont renforcé la concurrence pour l’accès aux postes dirigeants, dans des organigrammes déstabilisés et resserrés, restreignant ainsi les opportunités d’ascension des femmes moins dotées, socialement et scolairement.

Guidée par un objectif de rationalisation de l’action de l’État et de réduction des dépenses publiques, la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) a provoqué un rétrécissement du nombre de postes d’encadrement et des postes plus durs en termes de charge de travail, sous l’effet de la réduction du nombre de services (directions générales, sous-directions ou services).

Ce contexte de concurrence accrue, à l’image des restructurations dans les entreprises, conduit à un net resserrement des opportunités d’ascension, particulièrement pour les femmes qui occupent seulement 35% des emplois de direction comme le précise le rapport DE CARLOS « revaloriser la catégorie A dans la FPT », fruit du travail collectif de la FS3 et adopté à l’unanimité par le CSFPT.

La réduction de postes dans l’encadrement supérieur liée aux fusions et restructurations des collectivités (régions, départements, métropoles) ne s’est pas réalisée de manière équitable au sein de l’administration, elle a particulièrement touché les cadres de direction.

Ces changements organisationnels peuvent en ravivant la concurrence entre cadres renforcer les critères d’affiliation politique et de visibilité, et donc les effets de réseaux souvent défavorables aux femmes ? Dans la FPT les filières professionnelles sont très segmentées, avec une majorité des hommes concentrée dans la filière technique (68% des hommes y travaillent). Les femmes se répartissent elles dans trois filières principales : la filière administrative (pour 30 %), technique (pour 30 %) et sociale (pour 14 %).

Dans les filières à dominante masculine, il paraît absolument nécessaire d’évaluer les effets genrés du New Public Management, dans une perspective de « gender mainstreaming » c’est-à-dire de prise en compte des inégalités femmes- hommes dans l’évaluation de toutes les politiques des ressources humaines.

Il est à craindre que dans ces filières professionnelles où les femmes sont concentrées, comme les "soins", le "social" et ou l"administratif", subissent davantage des impacts négatifs des restructurations (réductions de budget et d’effectifs), tandis que d’autres filières professionnelles plus techniques, majoritairement masculines, seraient elles protégées, voire même revalorisées dans ces réorganisations (cadre d’emplois des ingénieurs ou administrateurs par exemple).

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le législateur inculte et influencé par le MEDEF veuille remplacer le socle commun de la culture territoriale développée depuis des décennies à l’INET par une conception libérale d’entreprise du travail appuyé sur un encadrement supérieur trié sur le volet et ayant pour slogan « chacun pour soit et la performance pour tous ».

Ce dogme libéral de l’adaptation permanente de l’emploi au détriment de la satisfaction des besoins des populations ; des organisations du travail modifiées sans cesse et d’un encadrement inféodé aux élus politiques visent à faire disparaître progressivement, la culture de service public appuyée sur les principes d’indépendance, de continuité et d’égalité de traitement des cadres territoriaux.

Enfin, il n’a échappé à personne que la rapporteuse du projet de loi « déontologie » mentionnait lors de son allocution à l’Assemblée nationale le manque de lisibilité des critères retenus lors des recrutements à venir, l’insuffisante de vérification des capacités des candidats ou encore une tendance à engager des cadres de directions surqualifiés avec toutes les conséquences que cela sous-entend.

Pour toutes ces raisons, la CGT ne peut accepter la disparition de la condition de qualification et du prérequis, véritable garantis pour accéder aux emplois fonctionnels et limiter l’arbitraire. C’est pourquoi la CGT s’oppose à l’élargissement de la possibilité de recrutement en modifiant la jauge à la baisse en nombre d’habitants.

La CGT invite les organisations syndicales à voter unitairement pour le rétablissement des dispositions actuelles. La CGT a déposé trois amendements visant cet objectif. Et à défaut, il semble souhaitable qu’à minima, pour défendre l’emploi statutaire et un encadrement supérieur indépendant de toute pression politique, ce texte régressif fasse l’objet d’un vote défavorable du collège employés.



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